Introduction
Après amputation de membre, plus de 90% des personnes amputées rapportent des sensations de différentes natures perçues au niveau de la partie amputée du membre dont l’ensemble est désigné par le terme de « membre fantôme » (Touillet et al., 2018, Bachini et al., 2024). Dans la littérature, le membre fantôme est principalement décrit et étudié dans sa dimension douloureuse (e.g., Collins et al., 2018, Ortiz Catalan, 2018). Des phénomènes fantômes indolores sont cependant présents chez beaucoup de personnes après amputation, y compris à distance de l’amputation (Raffin et al., 2012a-b, 2016, Gagné et al., 2009, Bachini et al., 2024, Touillet et al., 2018, De Graaf et al., 2016), mais restent encore mal connus. La mobilité fantôme fait partie de ces derniers.
Ces mouvements volontaires de membre fantôme sont systématiquement associés à des activités musculaires dans le membre résiduel (Reilly et al., 2006, De Graaf et al., 2016, Chateaux et al., 2024). Le schéma d’activation musculaire est spécifique du mouvement fantôme effectué, y compris pour les mouvements de la main après amputation au-dessus du coude alors que les muscles résiduels n’étaient pas directement impliqués dans les mouvements de la main avant l’amputation (Raffin et al., 2012b, Rossel et al., 2023, Chateaux et al., 2024, Jarrassé et al., 2018).
Ces observations suggèrent que les commandes motrices qui atteignaient avant l’amputation les muscles de la main, ciblent en post amputation des muscles plus proximaux, au niveau du bras (Scaliti et al., 2020). La réorganisation corticale a longtemps été décrite comme l’explication à la survenue des phénomènes de membre fantôme avec la zone du bras qui s’étendrait et envahirait la zone de la main au niveau du cortex sensorimoteur primaire (e.g., Flor et al., 2006, Lotze et al., 2001).
Récemment, des théories envisagent d’autres formes de réorganisation corticale que celle d’un envahissement des aires du membre amputé par les aires adjacentes et évoquent également une part de réorganisation au niveau spinal et périphérique dans la survenue des phénomènes fantômes notamment douloureux (Collins et al.,2018, Ortiz Catalan, 2018, Wu et Kaas, 2000). Cependant, le lien entre la réorganisation du système nerveux post amputation et la mobilité fantôme n’est pas encore connu.
La cohérence cortico-musculaire (CCM), qui permet d’étudier la connexion fonctionnelle entre le cortex et les muscles, semble une piste intéressante pour étudier la réorganisation post amputation (Liu et al., 2019). En combinant les méthodes d’électroencéphalographie (EEG) et d’électromyographie (EMG), nous avons comparé les zones de CCM dans l’espace des électrodes, obtenues pendant des mouvements fantômes de la main et des mouvements réels du membre résiduel. Si l’apparition de ces schémas d’activation associés à la mobilité fantôme est uniquement due à une réorganisation corticale, il ne devrait pas y avoir de différence dans la localisation de ces zones entre ces deux conditions expérimentales. En revanche, d’après l’homoncule de Penfield (Penfield et Boldrey,1937), si les régions de M1 ne sont pas réorganisées, la zone avec une CCM élevée pendant les mouvements de la main fantôme devrait être plus latérale que celle pendant les mouvements du membre résiduel.
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